Devant la perplexité de certains collègues face à des propositions intéressantes et des demandes lors d'une formation Magistère et surtout le présentiel qui l'accompagnait, alors pourtant que cela concernait la mater, m'est revenu le long travail en amont et la réflexion qui avaient accompagnés la mise en oeuvre dans mes classes de Segpa des ateliers lecture et écriture.
C'est également parce que j'ai croisé des "choses" dans une ou deux classes qui se voulaient ateliers lecture "à la façon de" sans se donner les moyens de l'être que le tout m'a permis de synthétiser un peu mieux mes pensées... j'ai une façon de penser qui part dans plusieurs directions simultanément, qui ne me permet pas toujours d'être claire à l'oral ou lorsque j'explique ici une organisation.
Les ateliers lectures, comme les proposent chez nous Alet, Farfa, Mallory ou Mélimélune (entre autres... liste non exhaustive), mais avant nous Madame Bernice ou Zazou, sur des blogs québécois et francophones, sont une mise en oeuvre de principes de l'enseignement explicite (mais pas seulement, d'ailleurs dans ce fonctionnement, rien n'empêche de mêler différentes pédagogies au mieux des intérêts de chaque élève).
Ils demandent de sérieusement repenser sa classe, du moins de ce côté-ci de l'Atlantique. La repenser en globalité : organisation, principes de fonctionnement, "philosophie de vie" dans la classe, position et place du maitre, même chose pour les élèves, matériel, outils, et fonctionnement pédagogique enfin.
La première chose, si on est tenté, c'est de se demander pourquoi... j'avais fait une évaluation très fine des besoins de mes élèves et du reste : mes capacités pour y répondre, le temps, les moyens à dispo, etc, une vraie remise en cause aussi de ce que je n'apportais pas aux élèves. Et pourquoi donc je n'y avais pas répondu au mieux, mais bien en fonction donc des moyens, de l'organisation, etc.
Ce qui revenait à faire le point et à dire : il faut tout changer.
Ce qui revenait à faire le point et à dire : il faut tout changer.
Chez Alet, il y a de très bons articles de fond aussi sur le sujet. Comme elle en est venue à ce fonctionnement, où elle s'est renseignée, etc.
La plupart des blogueurs qui proposent ce fonctionnement ont beaucoup lu sur le sujet. Des livres, des blogs, des sites institutionnels, le tout anglo-saxons nord-américains ou désormais aussi francophones. Vous trouverez aussi des idées de lecture chez Mélimélune et chez Zazou.
Ces collègues se sont inspirés et ont réfléchi leur pratique et leur organisation. Parfois dans les commentaires, je lis "mais comment gérez-vous tel ou tel point précis", simplement en s'imprégnant de toutes ces lectures et de la pratique au fil du temps... il y a des questions qu'on ne se pose pas, parce qu'on s'est renseigné attentivement avant.
En revanche, il y a des questions qu'on continue de se poser continuellement, et en adaptant, ce qui demande encore et toujours des recherches, des adaptations de la gestion et de l'organisation, et des moments de doute.
En revanche, il y a des questions qu'on continue de se poser continuellement, et en adaptant, ce qui demande encore et toujours des recherches, des adaptations de la gestion et de l'organisation, et des moments de doute.
J'ai vu un fonctionnement atelier lecture plaqué sur un fonctionnement de classe, ça fonctionnait oui... ça tournait. Mais tout l'intérêt individuel pour l'élève n'était pas forcément présent. Les moments de doute dans la pratique de la collègue ? Quasi aucun. Elle fonctionnait comme elle avait lu que ça fonctionnait. Tous ces moments délicats et riches où l'enfant va enfin à l'encontre de ce qui lui pose problème et trouve (seul ou pas, avec l'enseignant ou pas, avec beaucoup de temps ou pas...) n'étaient pas là.
Outre la lecture, installer ce type de fonctionnement demande une connaissance renouvelée de la littérature jeunesse adaptée à l'âge des élèves concernés. Les livres doivent être nombreux, de qualité littéraire, et de plus motivants et attirants pour l'élève, ce qu'on ne gère pas forcément bien tout le temps. Tel sujet qu'on croyait adapté et "fun" n'attirera personne. Tel roman qu'on jugeait apte à capter deux trois bons lecteurs deviendra un best-seller dans la classe... pour autant, il faut monter la bibliothèque proposée avec circonspection, s'informer, et lire pas mal des ouvrages qu'on propose. Ce qui demande du temps.
J'ai vu une bibliothèque de classe, montée avec les moyens du bord, mais c'est ce qu'on fait tous les premiers temps : récup', deux trois achats, un abonnement, sorties d'inventaire des bibli proches, etc. Mais trop légère par rapport au public : à peine 200 bouquins pour plus de 25 élèves, et avec un contenu pas toujours de qualité littéraire même si motivant. Et surtout sans que le rangement ait été expliqué aux élèves, donc encore moins fait avec eux (bon ça, ce n'est pas toujours possible), mais du coup qui ne prenait pas du tout sens. Détail supplémentaire, la bibliothèque était nourrie avec des emprunts en grand nombre, tant mieux côté qualité et quantité, mais dommage pour les élèves qui salivaient sur le titre du copain ou de la copine et qui devaient se contenter de se dire "un jour peut-être..." puisque le livre devait repartir.
Enfin, comme je le disais, cela demande de revoir l'organisation de la classe :
-->au niveau spatial déjà : il faut organiser un coin de regroupement, des étagères pour les livres qui soient accessibles tout le temps et pouvant contenir beaucoup de volumes, et leurs contenants, des endroits accessibles pour que les enfants se fassent un plaisir de découvrir où ils seront bien pour lire, etc.
Tout cela demande d'organiser la classe comme dans l'ASH ou en mater, avec des coins, des recoins, et une circulation bien pensée. Cela est certes difficile dans plein de classes, mais de fait, c'est exactement ce que je veux dire quand j'annonce qu'il faut repenser tout son fonctionnement. L'atelier lecture fait bouger tout le reste : inutile de se lancer si on n'est pas prêt à renoncer à d'autres organisations ou fonctionnement en classe.
Tout cela demande d'organiser la classe comme dans l'ASH ou en mater, avec des coins, des recoins, et une circulation bien pensée. Cela est certes difficile dans plein de classes, mais de fait, c'est exactement ce que je veux dire quand j'annonce qu'il faut repenser tout son fonctionnement. L'atelier lecture fait bouger tout le reste : inutile de se lancer si on n'est pas prêt à renoncer à d'autres organisations ou fonctionnement en classe.
-->sur le fond : le temps passé en lecture est important. C'est ce qu'on trouve dans beaucoup de choses proposées en explicite : un martèlement en temps et fréquence. Il faut donc être capable de repenser son emploi du temps, et surtout le temps qu'on dédie d'ordinaire à la lecture. Les apports de ce fonctionnement ne se verront pas en deux ou trois semaines... mais ils seront assez importants pour jouer dans tous les domaines de la langue, voire dans les domaines autres par leur apport culturel supplémentaire. Un fonctionnement en atelier lecture multiplie quasiment par 10 ou 12 le nombre de pages lues dans une année scolaire par un enfant. On ne peut donc déroger à un temps minimum et une fréquence minimale. Ces apports permettront de prendre aussi à terme sur le temps dédié à l'étude de la langue, et sur d'autres disciplines. En attendant, on jongle pour le reste, mais on ne peut descendre en-dessous d'un certain nombre de séance ou d'une durée à la semaine... en revanche, les temps de lecture suivie peuvent aussi être réduits, la compréhension et la fluence étant travaillée avec des petits groupes ou en individuel, la lecture suivie a pour objectifs la découverte commune d'une oeuvre, l'étude de procédés littéraires et de genres, et l'entraide entre pairs pour la compréhension globale ou plus fine.
Autant dire que ce minimum vital pour l'atelier donne forcément à réfléchir l'organisation du reste de temps de classe, en plus du fonctionnement. Et quand on a goûté à ces moments particuliers en relation duelle avec un élève autour d'une lecture ou d'un petit groupe qui souffle enfin sur une difficulté qu'on attaque ensemble, en dehors du regard des autres, et sans pénaliser ceux pour qui ce n'est pas une difficulté, difficile de renoncer.
--> sur la forme, j'ai été perdue les premières semaines, avec des questions qui s'ajoutaient les unes aux autres, et l'inquiétude de ne pas pouvoir faire demi-tour, puisque public particulier
Mais au fur et à mesure, on adapte et on teste des choses, on ajoute des "trucs" sur la trame de base, et le fonctionnement se met en place. Et surtout, on se demande beaucoup les premiers temps pourquoi c'est aussi sympa de travailler avec les élèves ;-)
On est très loin dans ce fonctionnement d'un rapport pénible au travail, et à la lecture. Chacun y trouve son compte. Mais on est souvent tellement bien embrigadé à vérifier que chacun est actif, qu'on oublie que lire met en oeuvre de nombreux processus intellectuels, et qu'un enfant sagement installé à bouquiner est bien très actif. Et qu'alors, le laisser lire dans son coin n'est pas l'abandonner ou ne pas s'occuper de lui... ce temps gagné et donc partagé avec un autre élève en particulier ou un petit groupe est un luxe inouï souvent en classe, et une fois testé, on n'y renonce pas si facilement.
Tout ce travail qui s'installe, sous cette forme, et dans un fonctionnement très ritualisé crée d'autres "soucis" en classe si on a pas pensé en amont l'organisation pour l'ouvrir aux ateliers : les élèves deviennent autonomes en quelques semaines, et pas seulement dans leur travail, dans la classe aussi. Ils s'habituent à questionner leurs difficultés, à en discuter, et à travailler en groupes de besoin, en tutorat, en tête à tête avec l'enseignant... à vérifier leurs progrès aussi, et à les visualiser même. Ils savent se déplacer et s'installer. Ils savent préparer aussi les séances suivantes en allant piocher des livres par exemple, ou rendre leurs fiches et les récupérer.
Difficile alors de conserver un fonctionnement de classe avec chacun à sa place, pour bosser en groupe classe en silence, sans mouvement, sans autonomie et sans possibilité d'initiative. Difficile aussi de refuser la différenciation et l'individualisation qui se font quasi automatiquement dans les parcours d'atelier lecture, le reste du temps en classe pour rester à un enseignement global.
Difficile alors de conserver un fonctionnement de classe avec chacun à sa place, pour bosser en groupe classe en silence, sans mouvement, sans autonomie et sans possibilité d'initiative. Difficile aussi de refuser la différenciation et l'individualisation qui se font quasi automatiquement dans les parcours d'atelier lecture, le reste du temps en classe pour rester à un enseignement global.
La plupart des collègues qui ont adopté ces ateliers ont fait évoluer tout le reste dans leur classe : l'écriture d'une part mais également leur enseignement des mathématiques par exemple. Sur ces points précis, le blog de Lala vous montrera de nombreuses possibilités.
Installer les ateliers de lecture, c'est un tout, et un changement fondamental qui fait évoluer pratique et organisation.
(et je crois qu'une ou deux collègues ne s'en doutaient pas en se lançant et en appelant au secours ensuite parce que les élèves se prenaient en main en sciences ou en histoire ^^)
Les liens vers les collègues chez qui le sujet est bien exploité et explicité (il y en a d'autres, qui pratiquent et partagent, mais vous trouverez chez celles-ci beaucoup de choses sur la philosophie de ces ateliers):
et deux trois liens chez moi aussi : atelier lecture
et les commentaires du blog précédent
Merci pour cet article qui donne envie....Cette année j'ai un CP/CE1. J'ai modifié tout mon espace bibliothèqhe. C'est un premier pas je pense. Dis-moi à ton avis peut-on faire des ateliers de lecture à partir du CP/ce1?Je vais étudier la question auprès des collègues que tu sites. Encore merci !
Un petit coucou pour te dire que ton article me parle beaucoup, car c'est bien une réalité. Mettre en place ce fonctionnement nécessite de repenser (et de chambouler) un ensemble de pratiques pédagogiques et de se questionner perpétuellement. La lecture d'un livre ou d'un article sur un blogue peut nous donner l'envie de nous lancer, mais il est vrai qu'il est primordial d'effectuer une recherche approfondie afin de s'assurer que nous implantions bien approche de manière efficace...
Tu le sais comme moi, on tâtonne, on essaie, on constate qu'on a fait une boulette, on refait autrement, on relit des textes sources, on se questionne, on constate les progrès ou pas et on se demande ce qu'on pourrait de mieux la prochaine fois. Ces approches ne sont pas des recettes miracles, elles nécessitent que l'enseignant s'implique à tous les niveaux.
Tu le sais comme moi, on tâtonne, on essaie, on constate qu'on a fait une boulette, on refait autrement, on relit des textes sources, on se questionne, on constate les progrès ou pas et on se demande ce qu'on pourrait de mieux la prochaine fois. Ces approches ne sont pas des recettes miracles, elles nécessitent que l'enseignant s'implique à tous les niveaux.
Il est vrai que lorsqu'on commence à «réformer» notre enseignement, tout le reste s'ensuit presque naturellement, car on sent bien qu'il y a quelque chose qui se passe dans la classe!!! Tout prend de nouvelles formes et se dessinent autrement... c'est presque de la magie!!!
Merci pour le clin d'oeil, j'apprécie, vraiment!
Éditer
Choupakhi : je n'ai pas cité tous les collègues CPB qui se sont lancés, mais il y en a en cycle 2 oui !! J'ai une liste via la rubriques "liens généreux" dans la colonne de droite
Zazou : en même temps, qu'est-ce que ça fait du bien de repenser et se mettre à réfléchir à nos pratiques !! ;-)
Bon , tu ne te moques pas dis....J'ai bien cliqué sur le lien mais je n'ai pas trouvé quels étaient les collègues "sus-mentionnés" ! Non mais sans blaguer, lorsque j'étais en cycle 3 j'adorais le travail d'Alet pour tous ses projets de lecture. Je recherche donc les collègues de cycle 2 qui adoptent ce cheminement. Merci d'avance ( et je vais commencer par relire tes liens ! Car je sais que je trouvais très chouette ce que tu avais mis en place lorsque tu étais en segpa, d'ailleurs de mémoire tu avais ré-aménagé ta classe ! )
Éditer
il y a dans cette rubrique, une rubrique "pour les 5 ou les ateliers" sous-entendu de lecture. Il me semble, par exemple, que Gentiane et Petit Caillou ont des CP ?
Ré aménagé la classe d'une part, oui, et carrément changé toute ma façon de faire en tout dans la foulée.
Mais j'ai eu le temps de préparer pendant un congé mater productif ;-)
Ré aménagé la classe d'une part, oui, et carrément changé toute ma façon de faire en tout dans la foulée.
Mais j'ai eu le temps de préparer pendant un congé mater productif ;-)
Mise au point nécessaire sage Sage! Moi aussi ça m'ennuie de voir des fonctionnements plaqués sans une réelle réflexion sur le pourquoi et le comment. Suffit pas de trouver ça sympa pour se lancer, faut un peu maitriser les concepts qui vont derrière car il faut s'adapter aux élèves, leurs lectures... La lecture de blogs ne suffit pas.
Ha, merci Sage de poster à nouveau cette réflexion qui est toujours d'actualité. De plus, elle me fait de nouveau réfléchir sur ma propre pratique qui a évolué, qui évolue encore et qui évoluera toujours. C'est la bauté de la chose... ;)
RépondreSupprimerCoucou, rigolo la coquille "mais dommage pour les élèves qui salivaient sur le litre du copain ou de la copine". Hips !
RépondreSupprimerMerci de re-publier toutes ces précisions encourageantes qui nous permettent de persister malgré nos faiblesses et manques. J'ai commencé il y a quatre ou cinq ans grâce aux réflexions partagées sur les blogs et aux lectures multiples.
Ma principale difficulté : une classe minuscule qui ne permet pas de circuler correctement... on a du mal à tous se caser, alors pour ce qui est de circuler ! Heureusement j'ai une minuscule pièce attenante dans laquelle j'ai installé les très nombreuses caisses de livres.
Cecilez
hihi effectivement, belle coquille, repérée au moment où je profite des distilleries de rhum au soleil, de là à y voir un lapsus ;-)... je corrige en tous cas ^^
Supprimermême souci cette année, peu de place, et pas moyen de sortir. Je m'en sors car petit effectif (23) mais les prochaines années ?